Visions...

Publié le par mdemion

La route sans fin.

 

La route grimpe par de larges lacets vers le plateau central situé à plus de huit cents mètres d'altitude. Brusquement, elle chevauche des crêtes suspendues au dessus du vide. Devenue pierreuse et ravinée elle joue les équilibristes, laissant, en contre bas, la mer se cogner aux falaises vertigineuses. Rien n'arrête le regard qui plonge vers un paysage découpé animé d'une violence farouche.

Pas de répit, elle se tortille en évitant la chute, sur des arêtiers pointus qui domine la cote. Soudain, elle plonge en direction d'une cocoterais qu'un raccourci de plage grignote dans le fond d'une baie si étroite que vue d'en haut les deux bords semblent vouloir se toucher. De l'autre coté elle redresse brusquement l'échine pour escalader une pente aiguë et poussiéreuse. La rampe est raide avant de culbuter vers une langue de sable noir percutée violemment par des rouleaux rageurs qui explosent sur des lames de rochers gris.

A deux encablures de la plage, caché dans une végétation luxuriante, un maraé montre la perfection de ses terrasses et de ses Tiki redressés sur leurs deux jambes. La religion est passée par là en sectionnant les sexes:

« Jésus Marie ne contaminez pas nos enfants par des visions pècheresses! »

 

 

Sur la plateforme régulière, l'appareillage des pierres noires est lugubrement majestueux. Juste devant, une curieuse sculpture semble nager! l'explication des archéologues ne me satisfait pas: une femme de roi morte en couches. Sur le socle, un chien? un lama? dresse les oreilles.

 

Je ferme les paupières.

La nuit d'un autre temps.

Hoy, Les guerriers se frappent la poitrine dans un haka sauvage. Les bras se lèvent armés de rames massues. Sous l'éclairage changeant des feux disposés en quinconce, l'explosion syncopée des gestes se multiplient en ombres farouches sur les parois de pierres.

Hoy, les tambours résonnent en roulement de tonnerre, éclairés par le son acide des flutes, tandis que le bourdonnement puissant d'une conque roule en écho de falaises en falaises.

Hoy, les bras et les jambes écartés l'homme médecine bondit dans la lumière. Il gesticule les parures de feuilles se déroulent comme des lianes autour de son corps luisant, ses yeux roulent dans les orbites, il danse avec la mort. Il jette, dans un geste de semeur des particules sur les flammes vives qui se poudrent d'étincelles de couleur en crépitant. La transe déforme son visage émacié de la bave blanche mousse à la commissure des lèvres...

Hoy, Le grand guerrier se lève de son siège de pierre, exposant dans la clarté changeante des feux et des torches l'arabesque de ses tatouages. Il se frappe en cadence la poitrine puis étend les bras pour imposer le silence.

Hoy, Attaché à une perche comme un animal les poignets et le dessous des genoux liés, un prisonnier nu est amené au lieu du sacrifice. Ses yeux roulent d'effroi, Il se tortille pour échapper à l'étreinte des bras qui l'enserrent. Il est porté au centre de la place près d'un petit menhir aplatit. La foule des guerriers hurle en cadence Sa tête est tenue ferme posée sur la pierre; avec une fourche de bois le grand guerrier lui rompt dans un seul craquement le cou.

Une immense clameur monte à l'assaut du ciel, une clameur qui roule sans fin en se cognant aux falaises de l'étroite vallée.

Hoy, C'est le festin, les morceaux de l'homme dépecé sont jetés en pâture, son crâne décharné rejoint les autres cranes alignés sur la rangée de pierres rouges, sa force désormais se conjuguera à celle du chef.

Dans l'océan du ciel, la lune ronde navigue entre l'ombre des montagnes.

 

J'ouvre les yeux, le soleil joue à cache cache avec les frondaisons et sur la plage sombre les vagues roulent indéfiniment...

 

 

 

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