Du passé faisons table rase...

Publié le par mdemion

Cathédrale antique.

 

Partout, les terrasses de pierres noires chevauchent les montagnes. Bornes sombres des temps d'avant l'arrivée des nouveaux dieux, elles se cachent dans les forêts profondes pour échapper à l'inconstance des hommes. Magnifiquement organisées elles grimpent à l'assaut d'un monde connu d'elles seules.

Places longues et solides venues du passé d'avant les missionnaires:

Là des guerriers couturés de tatouages lançaient des incantations à la lune.

Là un peuple frappait en cadence dans le tumulte rauque des chants barbares le sol.

Là les tambours hachaient le temps en petites portions sonores pour ébranler le temps.

Là les femmes se déhanchaient pour appeler l'amour sous les yeux exorbités des prisonniers servant de festin.

Aujourd'hui les démolisseurs incultes sont à l'œuvre pour vous transformer en carrière.

Je vous ai cherché le long des crêtes dans des sentiers coupés de fils de fer barbelés pour cause de propriétés privées laissées à l'abandon.

Le chemin improbable grimpe dur, il faut écarter les buissons de miro, les fougères, les acacias et les griffes des broussailles, éviter de se perdre dans les recoins et les plis d'une montagne arrogante, écarter de la machette les bambous encombrant la sente, avoir un guide qui sache le pays comme sa poche, alors, dans le fouillis des arbres les terrasses antiques se déploient sous vous yeux étonnés les constructions farouches.

 

Et quel guide que Jean Saucourt, pionnier des routes de l'île, amoureux sans détour d'un pays qui n'est le sien que par raccroc, puisque jeté sur les routes du monde par la guerre d'Algérie, aventurier d'un passé qu'il voit s'éparpiller chaque jour d'avantage, dans ses yeux claires se figent l'amertume les destructions massives de ce qu'il tente avec d'autres de sauver.

Ils sont peu à avoir compris la richesse du peuple Ma'oi. Pour les descendants l'héritage se mesurent en bénéfices pouvant être tirés d'une tête de Tiki.

Les missionnaires ont fait le travail de dés-identification d'un peuple en interdisant danses et coutumes. Heureusement qu'un évêque un peu éclairé a levé récemment l'interdiction.

Il ne reste que le folklore cette forme prostituée d'une culture.

En voulant sauver les âmes, comme partout ou ils sont passés, ils ont arasé le langage et les rites aussi surement qu'un bull détruit un lieu de culte et de prières. Le sabot de la honte pour qui parlait breton était ici, un coquillage donné en signe de mépris aux enfants surpris à parler leur langue. Seule la langue du colonisateur avait de l'intérêt et s'ouvrait à l'universel, le parler du pays était un idiome barbare qu'il fallait détruire à tout prix.

Piètres vainqueurs au nom d'une foi se voulant universelle, alors que chaque langue est plus précieuse qu'un monument de pierre puisqu'elle est le cheminement d'un groupe pour être humain et s'affirmer face au cosmos, à la vie et à la mort (Claude Lévi-Strauss).

Plus prosaïquement, il y a de l'intérêt financier là dessous. La massification n'est qu'un moyen de donner les même codes et les mêmes envies à une clientèle plus nombreuse, et la recherche des débouchés économiques est le palimpseste propre aux carnages colonisateurs.

Pour finir.

Qu'elles sont les caractéristiques d'un peuple colonisé?

Alcoolisme, fonctionnariat et prostitution répondait le géographe chercheur Lacoste.

Si la prostitution prend des détours « culturels » le reste est bien là et la drogue locale, le pakalolo, s'ajoute à l'alcool...

Armé de sa seul langue, le colonisé est un étranger dans son propre pays ajoutait Albert Memmi!

 

 

Les dalles dressées supportent des terrasses de galets ronds qui s'étalent en étages. Dans le désordre des appareillages, des arbres poussent chamboulant l'ordonnancement du passé. Parfois des pétroglyphes incompréhensibles balafrent la pierre pour y ajouter une touche inquiétante.

Des visages ovales de Tiki aux yeux en forme de cercle et aux lèvres rectilignes dans une sorte de crispation de la mâchoire se cachent dans les recoins. Les lichens impriment leurs lèpres sur les faces pour les rendre effrayants. Ils cerclent les orbites, tachent les joues, se perdent sur les poitrines ou des mains à cinq doigts sont posées sur le renflement d'un ventre ou se devine un nombril.

Et l'escalier gigantesque des Ma'hé se perd dans les épaulements des collines pour venir buter contre le flan abrupte des montagnes. Ce désordre incroyable, composé de murs éboulés, de blocs noirs ayant roulé sur la pente, de plateformes meurtries par des saignés faites aux bulldozers se perd dans une végétation grise pour se dissoudre dans le peu d'intérêt des descendants de ce peuple magnifique.

 

 

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