Taputapuatea.

Publié le par mdemion

 

 

Raiatea.

 

 

L'île sacrée.

Exactement placée au centre du triangle polynésien, triangle s'inscrivant entre les îles d'Hawai, de Pâques, et de Nouvelle Zélande, fut sans doute le lieu de rassemblement des navigateurs Maori. Le marae de Taputapuatea plateforme religieuse aux pierres dressées n'a pas d'âge, les dernières datations le font remonter au 13em siècle. Les alignements de pierre de lave se situent juste en face une passe s'ouvrant sur le large. En forme de pirogues, ils manifestent face au temps de la permanence historique des navigations transpacifiques.

Je me souviens y avoir vu un Tiki de pierre environné de fleurs, il témoignait de l'actualité cultuelle dont la statue était l'objet.

Il y a quelques années des pirogues venues de tout l'espace polynésien s'y étaient rassemblées, pour une rencontre unique.

 

Dans la cohorte des légendes et des croyances, l'accès au Rohutu no'ano'a et au Po nauahi, le Paradis et l'Enfer se situait sur le plateau de Te Mehani dans l'île de Raiatea. Là, des gardiens, en réalité des dieux, indiquaient aux âmes le chemin à suivre. En échange le défunt offrait une amulette pour les remercier.

Le point d'envol des âmes se faisait à partir du sommet le plus haut du pays du défunt. Ce trajet peuplé d'embuches l'esprit des morts, débutaient à l'abri des regards des vivants dans un au-delà dissimulé dans la verdure et les broussailles d'une colline au abord d'une falaise. Ce promontoire est bordé de deux pierres extraordinaires: l'une de vie, l'autre de mort. A l'issue de quelques étapes incontournables un choix décisif se présentait à l'âme: un retour sur terre dans une forme de réincarnation ou un passeport pour le paradis.

 

Ce matin, sous un soleil de plomb à peine rafraichi par un vent léger venant de la mer, je me suis promené dans l'espace dégagé du Marae de Taputapuatea.

Le dallage de pierres volcaniques et noires, prépare le visiteur au recueillement. La rangée de pierres plates debout, forme un mur incontournable. Les panneaux de bois sculptés encadrent un Tiki minuscule qui vous regarde de ses yeux étranges et vides.

Au loin le récif continue de débiter le grondement d'une mélopée sombre et lugubre. La richesse des couleurs des eaux du lagon n'arrive pas à chasser la tristesse violente qui règne sur ce lieu de mort. L'ombre de l'au-delà chasse d'un revers de main, le rutilement de la verdure.

Ici, posés sur des perches, les lits ou sèchent les cadavres des dignitaires, tremblaient sous le vent, agitant les disparus d'un soupçon de vie, les prières rudes se déclamaient sous le regard des dieux, les guerriers agitaient au dessus de leur tête les rames massues tandis qu'un homme aux yeux fou de terreurs attendait d'être sacrifié.

La camarde flottait sur le cérémonial et les lamentations qui grimpaient vers le ciel .

Comment imaginer l'arrivée des pirogues de haute mer après des jours de navigation dans l'émiettement doré du soleil couchant, le son grave des pu, sorte de conque en coquillage, annonçant la terre dans un grondement d'orage, les corps couturés de tatouages dressés sur l'étrave, l'assemblée des femmes aux hanches virevoltantes dansant un tamuré sensuel dans un appel à l'amour, ordonnancement des groupes et des tribus...

Comment imaginer que ces hommes lisaient dans les étoiles leur place sur la mer.

On ne sait plus rien des litanies qui donnaient le cap à suivre, sur les tapas le sens des signes s'est perdu, et l'écorce raturée de dessins étranges n'est plus qu'une bimbeloterie touristique.

Les pirogues de haute mer avec leur cargaison de femmes, d'hommes et de vivres pour des voyages insensés ou les voiles triangulaires en natte de roseaux savaient capter le vent, ou les rames palliaient son absence, ou les îles aux montagnes frisées de cocotiers servaient de point de repère...

Fabuleux voyageurs dont les périples anciens divisent les archéologues!

L'agencement de pierres volcaniques fait revivre le passé lointain ou les sacrifices humains se pratiquaient au nom de croyances ou vie et mort n'avait pas de frontières.

Je suis là seul sur le gazon tondu de frais dans l'odeur sucrée des arbres a faire revivre le temps des Maori.

Assis sur un des murs un groupe chante et vocalise pour, lui aussi, se souvenir.

 

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