Tahiti.
Tahiti.
Le soir, les lumières de Papeete scintillent comme des étoiles dans l'obscurité de soie noire; je quitte l'avion dans l'odeur indéfinissable de cet endroit du monde. Le fond de l'air distille un parfum unique que je n'ai jamais rencontré ailleurs. La forme entêtante, suave, d'une flagrance chargée de fleurs, d'eau remuée du lagon et de la douceur des songes, ravive une flopée de souvenirs.
Dans l'escalier qui dévale de la passerelle, une boule d'émotion noue ma gorge devant les images qui flottent en rang serrées sous mes paupières à demi fermées. Un temps d'intense bonheur, un peu douloureux, frappe à la porte du présent.
Lili est devant moi, j'entends sa voix portée par un doux accent de rocaille. Une femme à tout faire incroyable d'expérience.
Que ne savait-elle pas réaliser? De la couture à la peinture, ô Gauguin dont le pinceau a tracé avec une vérité incomparable le monde polynésien! Elle en était un vivant modèle.
J'ai le souvenir brut, du dernier maha tahitien peut-être dont elle a été l'ordonnatrice. Les pierres volcaniques chauffées, le cochon de lait, les poissons...les feuilles de bananiers recouvrant la cuisson, la terre par dessus tout!
Dans les plats qui encombraient la table, la couleur bleu de la gentillesse extrême.
Pierre, la Bretagne au fond des yeux qui regardait le monde avec le plis de la bouche de ceux qui savent après avoir roulé leur bosse dans les guerres improbables et avec pour toujours le cœur enrobé de tendresse pour avoir rencontré l'innommable.
Ils sont là devant moi, immobiles dans la fluorescence du don d'eux même à l'étranger de passage que j'étais.
Un bloc de silence vrille mes oreilles pour des retrouvailles jamais imaginées.
Qu'importe les contrôles policiers, par eux, ici, je me sens chez moi car ils ont réalisé l'incroyable miracle, au delà du temps et des vicissitudes de ma vie, de me faire un bout de place dans leur univers.
Jean pierre est là les bras chargés de colliers de fleurs