Rurutu.

Publié le par mdemion

Vers Rurutu.

 

 

L''avion fut plein de surprise, pas par la mécanique mais par les passagers, enfin une passagère et son sale môme. Le gamin de la dame est une de ces progénitures miraculeuses devant lesquelles la mère s'extasie en permanence avec l'impression qu'il est la créature la plus extraordinaire qui soit.

Donc, elle le laisse faire ce qu'il veut:

Il tape des pieds: « c'est bien mon chéri ».

Il déchire un magazine: «  c'est bien mon chéri ».

Il crache un jus de fruit: «  c'est bien mon chéri ».

Il me postillonne dessus: là c'est moi qui lui dit excédé que la prochaine fois, il prendra une tarte. « Hi, hi, hi , maman le monsieur veut me taper!hi, hi ».

J'explique à la dame l'objet de mon courroux...

« Il faut bien qu'il s'amuse »...

La dame a un chiot dans les bras, et oui dans un avion de la compagnie Air Tahiti!

Comme quoi on ne peut pas s 'occuper de tout le monde! Le chiot pris d'une soudaine envie solide enfin lorsque je dis solide, c'est un solide très mou, se soulage abondamment dans l'allée juste au moment du passage du chariot de l'hôtesse et de ses jus de fruit. Compte tenu de l'odeur et de l'obstacle glissant l'hôtesse cesse de pousser le chariot qui évidemment s'arrête.

Appelé à la rescousse, le chef de cabine armée de son mouchoir et d'une pile de serviettes s'agenouille et s'étire comme pour une prière dévote. Et je te frotte en long en large et en travers et je t'enveloppe l'étron un chouïa dégoulinant dans un sac tenu avec deux doigt dégoutés tandis que la propriétaire du chiot regarde ailleurs et avec constance, son sale môme.

Un parfum de bazar abondamment vaporisé tente de chasser l'odeur... avec peine.

La dame, se tient coi dans son coin et serre à les en étouffer le chiot et le môme.

Moralité: sur Air Tahiti tout est permis!

 

 

Eloha.

 

 

Notre hôtesse nous attend dans le minuscule aéroport. C'est un peu l'histoire de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme... Elle est la cousine d'une collègue de travail de Dany la femme de Jean Pierre. Elle est adorable et nous fait l'honneur de sa maison.

Un petit tour en voiture et nous débarquons dan une famille de cinq enfants.

 

Rurutu est une île cabossée, petite, rocheuse et verdoyante. Des falaises calcites brutales, alternent avec des plages blondes cernées par de minuscules lagons. Trouée comme un gruyère, elles ne sont pas précédées par un piémont qui adoucit la montée vers la dureté des roches. Elles dégringolent d'une seule traite comme un mur revêche. Un des plus haut sommets porte le nom de Manureva laissant des souvenirs se glisser dans ma mémoire.

Il y a longtemps, la salle de spectacle du foyer de jeunes travailleurs de Lorient, Alain Colas s'apprêtant à partir son son bateau, Jacques Le Cabellec le mettant en garde sur la vétusté de Manuréva...

Je me secoue pour chasser le passé. Devant moi, le sommet aplati de la montagne de trois cents mètres, des plants de café laissés sans soin couvert de grappes de cerises qui deviendront grains de café pourrissant sur pieds...

Pourtant, c'est une île profuse favorisée par un climat plus tempéré, les légumes poussent allègrement et outre le taro, on trouve de la pomme de terre, des tomates, des courgettes. J'ai visité la coopérative de développement agricole de Rurutu; malheureusement les gens voient dans le système coopératif un moyen d'avoir des salariés à bon compte puisque le salaire est versé par l'état!

La petite production de café est plus là pour la forme que pour offrir un réel débouché économique. Le prix n'est pas attractif et l'emballage intervient pour un cout exorbitant dans le prix de vente. Ainsi va la vie, entre combine et arrangement ce qui assure comme dans toute la Polynésie un train de vie bien supérieur à celui de la France. A l'exception des îles ou le cout de la vie est un peu onéreux, mais par exemple le prix du carburant est moins chèr que dans une grande surface au Bono,

Tahiti vit très largement au dessus de ses moyens et ne veut pas le voir.

Ici, pas d'impôts sur le revenu, pas de taxe d'habitation, pas de redevance télé, la TVA est de dix et seize pour cent, etc...

Le réveil sera inévitablement terrible!

La dotation à l'outre mer dans le budget est plus élevée que le déficit de la sécurité sociale! Et les salaires donnent à l'emploi salarié un niveau de vie bien supérieur à celui de la métropole.

 

 

Le tour de l'île.

 

 

Le village d'Avera, un deuxième vrai village avec ses minuscules commerces, ses maisons délimitées par des murs blancs, son église ou son temple et une vieille personne qui nous donne des ananas en friandise; plus loin et vue d'en haut le lagon ou des baleines, parait-il, protègent leur baleineau...

La plage blonde se heurte au récif, lorsque soudain, une forme noire se montre:

« Une baleine! » me crie Téta, une jeune femme qui avec son mari Tito nous font faire le tour de l'île. Une grande queue noir et deux nageoires caudales émergent, battent l'air un instant avant de replonger dans une éclaboussure d'écume.

Nous allons de rencontre en rencontre: Un chevrier dont les chèvres ont été égorgées par des chien errants, une marquisienne et le soir un furieux match de volley ou des équipes féminines et masculines s'affrontent. Les deux équipes sont loin d'être maladroites et je me laisse prendre au jeu.

Le retour, chez Aloha, le soir au milieu de cinq enfants sages me conduit dans un sommeil sans rêves.

 

Au bout du compte...

 

Je sais que la mémoire embellit les souvenirs.

Je sais que le retour sur des lieux que l'on a aimés s'appauvrit sous un second regard ou comme le chante Leo Ferré:

« les plus chouettes des souvenirs ça a une de ces gueules à la galerie j'farfouille... »

Le Tahiti de mes rêves est en train de mourir.

Un cancer inexorable le ronge et jette ses métastases dans toutes les directions.

La montagne, chamboulée, rognée par des constructions anarchiques est déformée par d'immenses blessures ou se construisent des immeubles avec vue imprenable sur le lagon.

Nul ordonnancement, nul plan d'urbanisme, chacun fait ce qu'il veut. Sans cohérence aucune, les bâtiments forment des pustules sans queue ni tête qui germent n'importe ou, n'importe comment. Les frondaisons joyeuses éclatantes de verdure, la végétation tropicale qui s'élançait à l'assaut des élévations ont cédé la place à une sorte de toundra grise, poussiéreuse balafrée par des voies d'accès et des morceaux de parking.

Coté mer, c'est pire encore!

Les remblaiements réalisés par les particuliers pour avoir son bout de lagon ont clos définitivement la mer, elle est dans une forme de prison ou se côtoient des villas luxueuses des hôtels étoilés, et des cabanes brinquebalantes aux toits de tôles rouillées, aux murs construits avec des panneaux de récupération.

Pire encore, la route autrefois délimitée par des arbres et des arbustes fleuris est engoncée dans des murs de parpaings bruts, rayés par des graffitis vengeurs.

J'ai longuement regardé les graffitis, il ne s'agit pas de projections de peinture se voulant artistiques mais de griffures volontairement sans objet faites pour salir et dénaturer.

Tahiti est sale! Souvent des bouteilles en plastique, des cannettes de Hinano, des remblais de construction voire d'anciennes automobiles pourrissent sans que cela dérange qui que ce soit! L'indifférence est générale et les îles ne sont pas épargnées par le laisser aller.

Pourtant, les publicités vantent toujours le sable blond et les cocotiers! Les hôtels de luxe enferment les clients dans des endroits protégés à des prix incroyables ( Comment se fait-il que l'on ait de moins en moins de touristes?), les autres hébergements, aveugles aux multiples dégradations pratiquent des prix trop élevés, un service très approximatif et ils s'étonnent de voir les voyageurs fuir vers d'autres coins du monde.

En faisant le tour de l'île j'ai rencontré un couple de voyageurs fortunés, ulcéré par la manière dont ils avaient été traité dans un établissement de cinq étoiles:

« Monsieur, lorsque l'on paye une chambre 600 euro la nuit, le service ne doit pas être celui d'une pizzeria du quartier latin! ».

Ils m'expliquent que l'on avait refusé de servir le petit déjeuner dans leur logement par faute de personnel!

Les tahitiens ne se rendent pas compte qu'un gouffre s'ouvre lentement sous leurs pieds...

Je pourrai multiplier les exemples...

Le monde de la débrouille et de l'arnaque concerne tous les polynésiens et le prétexte le plus fréquent pour expliquer les salaires élevés et l'absence d'impôts est de dire: C'est plus chère qu'en métropole!

Comme je l'ai dis plus haut ce n'est plus vrai!

Je ne sais pas combien de temps les gouvernements français supporteront cet état de fait, mais si les électeurs étaient informés...

Les gaspillages liés à l'incompétence et aux malversations sont multiples et s'additionnent les uns aux autres en sommes extrêmement conséquentes pour ceux qui sont au pouvoir ou dans ses arcanes, alors qu'un luppen prolétariat survit difficilement à Papeete.

Ainsi.

Un instituteur gagne au alentour de quatre mille euro, avec un litre d'essence à un euro vingt, un panier de la ménagère moins élevé qu'en Bretagne et une absence d'impôts et de taxes.

A la question: Qui paye? La réponse invariable est : Le gouvernement. C'est à dire NOUS.

A Rurutu par exemple:

On a subventionné la plantation de pins, ils pourrissent sur pieds, la plantation de café, le café est devenu sauvage, la plantation d'agrumes(citron, orange,etc) les arbres se perdent dans des forêts touffues, la plantation de bois précieux...

Les emplois aidés pour des associations, et chacun y va de son association pour employer sa fille, son fils avec un salaire payé par nous, pour des travaux qui sont revendus ensuite pour le bénéfice de la famille. Le carburant des pêcheurs est détaxé: tout le monde est pêcheur et fait rouler sa voiture avec une essence à soixante centimes.

Détournements et combines sont devenus un sport national du haut en bas de l'échelle avec voiture détaxées, hôtels de luxe, appartements défiscalisés ce qui fait que cinq années plus tard, les heureux possesseurs revendent plus chère que le coût d'origine!

 

Pour conclure, le paradis est devenu pacotille, le gouvernement polynésien affiche un budget annuel déficitaire de dix milliard d'euro, et tout le monde continu de danser sans s'en faire le tamuré!

Pour combien de temps encore?

 

 

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